En Inde, les enfants ne vont plus à l’école du fait des restrictions liées à la Covid. À Budhpura, Manjari amène l’école aux enfants.
Ce n’est un secret pour personne : la pandémie de Covid a durement touché l’Inde. En plus des nouvelles relatives aux hôpitaux débordés, à la pénurie d’oxygène et au nombre élevé de décès, d’autres problèmes apparaissent. Notamment celui d’éventuels effets à long terme de cette crise sur les enfants du pays.
Covid et fermetures des écoles
L’année dernière, en Inde, plus d’un million et demi d’écoles primaires et secondaires ont fermé pour tenter de limiter la propagation du virus. Fin 2020, quelques États ont commencé à rouvrir des écoles pour les jeunes plus âgés. Cependant, Manish Singh, secrétaire de Manjari, l’ONG locale qui opère à Budhpura, au Rajasthan, rapporte que les écoles de cette région restent fermées. Les effets à long terme concernent non seulement les enfants, mais également leurs futures familles. Cela signifie également un risque de baisse de revenus pour les années à venir.
Varun Sharma est Directeur des programmes d’Aravali, l’agence qui sert d’intermédiaire entre le gouvernement et les organisations locales telles que Manjari. Selon lui, «Vu les niveaux d’apprentissage médiocres, nos experts signalent qu’il faudra quatre ou cinq ans de plus pour combler le déficit causé par ces longues fermetures. »
Et ce, à condition que les enfants retournent à l’école. Le grand défi est de maintenir leur motivation pour l’apprentissage. Avant la crise, l’on estimait que, pour l’ensemble de l’Inde, environ six millions d’enfants n’allaient pas à l’école. Aujourd’hui, sur l’ensemble du pays, ce sont 247 millions d’enfants qui ont accumulé un retard scolaire et l’on craint que beaucoup ne reprennent jamais le chemin de l’école.
Cela s’explique en partie par le fait que certains enfants ont recommencé à travailler, anéantissant ainsi une partie des progrès accomplis dans l’éradication du travail des enfants. La pauvreté absolue est l’un des facteurs déclenchants du travail des enfants, et l’on ne peut pas reprocher aux parents de penser que leurs enfants feraient mieux d’aller gagner de l’argent s’ils ne vont pas à l’école et n’ont rien à faire.
Manjari amène l’école aux enfants
Manjari recommence à rendre visite aux familles, à leur expliquer que le travail rapporte moins que le développement de l’enfant, que le travail peut compromettre l’avenir de l’enfant, parce que l’enfant n’a ensuite plus envie de retourner à l’école.
En un sens, Manjari est devenue « l’école ». L’année dernière, le gouvernement central a mis en place des initiatives d’apprentissage à distance pour tenter de compenser les fermetures d’écoles. Cependant, au niveau de la disponibilité d’Internet, l’énorme fossé entre les centres urbains et les zones rurales constitue un gros handicap. Avant la Covid, l’on estimait que, dans les zones rurales, seuls 4% des ménages avaient accès à Internet. « Pour les familles de Budhpura, avoir un téléphone mobile sous Android avec une connexion Internet reste un rêve inaccessible», souligne Manish.
Dès que les restrictions liées à la Covid l’ont permis, des volontaires de l’enseignement ont amené l’école aux enfants. Ils ont reçu des consignes et ont été chargés d’aller rendre visite à une centaine de foyers. « Nous créons de petits groupes d’enfants », explique Manish, « et les volontaires leur distribuent des feuilles de travail basées sur les niveaux scolaires minimaux. Ces feuilles complétées nous sont renvoyées pour feedback. » Les volontaires ont ainsi pu toucher près de 1.000 enfants à Budhpura et dans les villages voisins.
L’importance du jeu
Il n’est pas bon de travailler sans jamais jouer. « La croissance des enfants subit aussi un genre de dommage psychologique, à cause des restrictions qui affectent tout leur environnement», explique Manish. « Nous avons donc distribué du matériel sportif à une vingtaine de groupes d’enfants. Ils jouent dans un environnement sûr avec leurs amis et discutent de leurs tensions. »
Les équipes se sont aussi rendues dans des cours de récréation, ont organisé des jeux et raconté des histoires pour que les enfants de deux ou trois ans, que l’on ne peut pas laisser seuls à la maison pendant que leurs parents sont au travail, puissent jouer une heure ou deux.
La bibliothèque mobile apporte des livres aux enfants
La bibliothèque est l’une des initiatives les plus réussies pour préserver la motivation des enfants. À cause de la pandémie, la bibliothèque centrale – située dans le bureau de Manjari à Budhpura – a inévitablement dû fermer l’année dernière, mais une bibliothèque mobile est née, apportant jusqu’à soixante livres à la fois à plusieurs villages.
Manjari fournit des fonds et la valeur positive de cette initiative s’est révélée au cours de l’année. Plus de 3.000 livres ont été empruntés à la bibliothèque et la demande de nouveaux livres ne cesse de croître.
Le faible investissement nécessaire pour avoir un impact est l’un des aspects les plus encourageants de notre travail d’amélioration des conditions de vie. «Atteindre des zones minières éloignées n’est pas facile», explique Varun. « L’on a donc suggéré de faire un petit investissement pour l’achat d’un pousse-pousse électrique – vraiment pas cher – pour atteindre ces zones sans entraîner de frais de carburant. Cela nous aidera à apporter des livres à ces enfants et à développer leurs habitudes d’apprentissage. »
Manque d’installations scientifiques
Cependant, le fait de régler des problèmes engendrés par la Covid a révélé un autre besoin qui n’est pas lié à la pandémie. « Les enfants manquent d’installations pour étudier les sciences et les mathématiques », déclare Manish. « Il n’y a pas d’enseignants pour ces matières, nous ne parvenons donc pas à motiver les enfants pour ces matières, alors que c’est vers l’âge de neuf, dix et onze ans qu’un enfant acquiert son attitude par rapport aux études.”
Il en résulte que les enfants n’ont pas d’autre choix que d’étudier les sciences humaines, ce qui fausse la future base de compétences du pays. « Nous avons des contacts avec des consultants locaux« , poursuit Manish. « Quand la crise de la Covid sera passée, nous aimerions aménager un petit local au centre, où les enfants viendront voir des expériences. »
Pour y parvenir, chez No Child Left Behind, nous étudions les possibilités de fournir des livres, des kits scientifiques et d’autres ressources en vue de susciter l’intérêt des enfants pour ces matières dès leur jeune âge.
Mais cela, c’est pour l’avenir. Pour l’instant, tous les efforts tendent à ce que les enfants et leur famille restent engagés, jusqu’au moment où les restrictions liées à la Covid ne seront plus qu’un problème du passé, enfin surmonté.En savoir plus sur Manjari, l’organisation locale à Budhpura.