CÉLÉBRATION DE BUDHPURA !

Le dimanche 24 mars, quelque chose de capital et de joyeux s’est produit au village de Budhpura, au Rajasthan en Inde. Pour savoir pourquoi le 24 mars fût une journée aussi importante, nous devons comprendre l’histoire de ce village semi-rural, dissimulé dans les coins perdus du Rajasthan.

85 % du grès mondial sont extraits des carrières du Rajasthan et la route nationale Bundi est comme un coup de poignard dans cette région d’extraction. Sur 20 km de cette route nationale, vous ne verrez que des carrières et des activités minières !

L’extraction de la pierre est un travail intrusif, lourd, intense et sale qui génère des volumes incroyables de déchets. Certains des déchets sont simplement endommagés ou sans valeur et il faut les évacuer pour permettre l’accès au matériau précieux qui se trouve en dessous. Ces déchets sont largués en grandes piles qui, de loin, peuvent être facilement confondues avec de belles chaînes de montagnes… malheureusement elles ne le sont pas.

Les déchets de pierre ont cependant de la valeur ! Ils peuvent être cassés en plus petits morceaux pour les utiliser comme remblai de route ou matériau de sous-base pour les projets de construction.  Les plus gros morceaux de déchets peuvent être transformés en un produit de tout autant de valeur, un produit largement utilisé dans les projets d’aménagement du paysage en dur d’Europe occidentale. Les pavés en grès, localement connus comme pavés ronds en grès, sont là où commence l’histoire de Budhpura.

Budhpura se trouve au centre de cette vaste région d’extraction, juste à côté de la route nationale Bundi. « Chaque homme, femme et enfant que vous voyez peut faire des pavés » se vantait un exportateur de grès indien lorsque nous avons traversé le village de Budhpura en décembre 2005. Après avoir décidé de devenir importateur de pierre, j’ai visité la région lors d’une mission de dépistage pour rencontrer des fournisseurs. Le travail des enfants dans l’industrie du grès était plutôt chose normale en 2005. Les projecteurs des médias du Royaume-Uni et de l’Europe n’étaient pas encore dirigés sur l’industrie du grès indienne, c’était donc un commerce ordinaire à Budhpura.

Dans une communauté sans prévisions, sans perspectives et sans espoir pour l’avenir, le travail des enfants était tout à fait normal et traverserait des générations. Il y a de nombreux facteurs qui expliquent pourquoi les enfants se retrouvent au travail à Budhpura. Un système d’enseignement médiocre, des structures sociales fragiles, une pauvreté endémique sont tous les principaux moteurs mais l’explication la plus simple de tout cela est qu’il n’y a pas beaucoup d’autres choses à faire. Une communauté comme celle-là est devenue le foyer de la production de pavés en grès au Rajasthan. Virtuellement, tous ceux qui vivent ici ont été concernés dans une certaine mesure.

Pour la population des enfants concernés par le travail des enfants, le futur était sombre. Le village se dirigeait vers la misère jusqu’à ce que quelque chose qui aurait définitivement changé le destin de Budhpura se produisit. En 2013, un projet enthousiasmant fût lancé dans les villages et les hameaux voisins de Budhpura. L’ambition du projet était de créer de petites zones géographique où le travail des enfants serait exclu par toutes les parties prenantes de la communauté, des zones sans travail des enfants (Child Labour Free Zones, ou CLFZ).  Le message était très clair et sans ambigüités, sans si, mais ou peut-être, tous les enfants devaient aller à l’école.

Dans un village où le travail des enfants était la norme, ce ne fût pas une tâche facile et cela a exigé de nombreux efforts et une combinaison de différentes approches. 

Le projet a rassemblé de nombreuses organisations diverses, aussi bien locales qu’internationales. Arisa (officiellement connue comme ICN), une ONG néerlandaise et membre de Stop Child Labour, qui a déjà établi un rapport sur le travail des enfants dans la production de pavés de pierre en 2005, s’est associée à Manjari en 2013, une petite ONG établie au cœur de la communauté de Budhpura. 

Manjari était déjà très impliquée dans la communauté locale, elle était consciente plus que quiconque de l’impact qu’avait le travail des enfants à Budhpura. Dans le cadre de la communauté, Manjari était très bien placée pour diriger les initiatives fondées sur la communauté pour lutter contre le travail des enfants. 

Une assistance supplémentaire était assurée par la Fondation MV qui offrait à Manjari la formation et les conseils. Le support de la communauté commerciale internationale a été fourni par Beltrami, Stoneasy et London Stone qui s’approvisionnent toutes des produits de cette région.

6 ans plus tard, le projet a eu un impact énorme.  Il y a encore beaucoup de travail mais Budhpura est transformée.  Des centaines d’enfants vont désormais à l’école régulièrement, des femmes ont été autonomisées et la communauté a été mobilisée au niveau social en vue de jouer un rôle actif dans la formation et la reconstruction des structures sociales requises pour lutter contre la myriade de problèmes sociaux présents sur place. 

Le 24 mars 2019, 275 personnes, un mélange de personnes locales, chefs d’entreprises et ONG se sont réunies pour célébrer la réussite de la zone sans travail d’enfants et pour se réjouir d’un avenir meilleur.

Manjari a ouvert les festivités en accueillant les invités et partageant les succès des projets. Nous avons ensuite su d’Arisa, l’organisation néerlandaise qui aborde les droits de l’homme liés aux affaires comment elle supporte le projet par le bais du Ministre néerlandais des Affaires Étrangères.  Arisa a parlé du fait que la réussite du projet n’aurait pas été possible sans le support et la coopération de la communauté commerciale locale et internationale. Nous avons alors su des personnes qui ont travaillé sur le terrain quelle a été la différence que ce projet a eu pour la communauté.

Un problème massif à Budhpura et dans l’industrie de la pierre en général est la silicose. Il s’agit d’une maladie qui a ravagé la population locale et le manque de structure sociales à Budhpura signifiait que les gens n’avaient pas les moyens de combattre la maladie. De plus, il y avait un manque de connaissances quant aux risques liés au travail avec le grès. Depuis l’établissement de la zone sans travail des enfants, Manjari a travaillé inlassablement pour informer la population sur la maladie et pour l’aider à accéder au plan gouvernemental qui indemnise les travailleurs de la pierre qui souffrent de silicose. Deux membres des groupes de travail locaux ont expliqué au public qu’ils sont désormais bien mieux informés au sujet des risques pour la santé liés à la production de grès, en particulier sur la silicose. 

L’un des bénéfices les plus inattendus et prometteurs du projet CLFZ a été l’autonomisation des femmes. Les vies des femmes à Budhpura sont un cercle vicieux de mariage d’enfant (illégal), invariablement suivi d’une maternité précoce, un parcours qui ne promet que santé médiocre et opportunités futures très limitées.

Un cercle vicieux qui doit être rompu et Manjari a été au premier rang d’un mouvement de changement. Le projet CLFZ a engendré la création de groupes d’entraide de femmes qui atteint aujourd’hui 30 groupes distincts comptant de 15 à 30 filles de 13 à 19 ans qui se réunissent chaque mois. Les problèmes abordés sont uniquement ceux qui profitent aux femmes. La santé menstruelle, le mariage des enfants, les perspectives de carrière. Les membres des groupes d’entraide ont parlé de leurs formations en vue d’acquérir des compétences pour leur offrir des opportunités d’emploi hors de l’industrie de la pierre. Par ailleurs, un des membres des nouveaux groupes de travail a fait savoir qu’il y aurait des discussions régulières sur la santé et la sécurité au travail. Les membres (25 groupes) ont tous reçu une formation en premiers secours.

Les membres de l’association des commerçants de pavés qui font partie intégrante de la communauté à Budhpura se sont ensuite exprimés. L’association des commerçants de pavés se sont rassemblés pour exclure le travail des enfants et, sans leur aide et leur engagement, ce projet n’avait aucune chance de réussir.  En 2017, l’association des commerçants de pavés a déclaré que leurs chantiers de production n’impliquaient pas de travail des enfants, un pas énorme dans l’établissement de Budhpura comme zone sans travail d’enfants. 

L’unique objectif de ce projet a été de sortir les enfants locaux du travail des enfants et de leur donner une instruction. Les installations médiocres et une pénurie de professeurs ont formé un obstacle important pour convaincre les parents que leurs enfants seraient mieux à l’école. Le projet a toujours exercé une pression sur le gouvernement local et en janvier 2019, nous sommes heureux d’annoncer que le nombre d’enseignants à Budhpura a doublé. S’adressant au public, un professeur local a expliqué l’importance qu’un enseignement de qualité pourrait avoir dans le maintien d’une zone sans travail des enfants. 

Des représentants externes du secteur MICA nous ont également parlé de l’inspiration et des connaissances acquises suite au projet de zone sans travail d’enfants qui leur seront utiles dans leur secteur.

De nombreuses personnes ont joué un rôle dans le succès de ce projet mais l’un de ses défenseurs les plus engagés et passionnés a certainement été Bram Callewier, directeur général de Stoneasy, importateur belge de pierre naturelle d’Inde. Bram s’est véritablement dévoué à l’éradication du travail des enfants à Budhpura et il a réaffirmé son engagement dans le projet au public, et demandé l’engagement de toute la communauté de Budhpura dans la poursuite de ce combat.

Tout bien considéré, cet événement fût une journée joyeuse et positive, la célébration de l’avenir de ce village.  Le projet CLFZ a eu un un impact extrêmement positif sur la communauté et a été le véritable élan qui permettra de mettre à profit les résultats.

Nous venons de recevoir la nouvelle magnifique que le gouvernement néerlandais fournira les fonds qui permettront de poursuivre le projet pour 5 nouvelles années.  Le projet en a vraiment besoin car il y a encore beaucoup de travail à faire si nous voulons maintenir l’amélioration réalisée dans l’enseignement, traiter les inégalités des sexes et améliorer les conditions pour les milliers de travailleurs à domicile qui doivent encore être touché par le projet CLFZ.  

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